Marché du logement 2021 : rebondissement ou ralentissement confirmé ?

Les épisodes de confinement inhérents à la pandémie de la Covid-19 ont bousculé les prestations immobilières, les projets, les conditions de travail. Les Français, en se recentrant sur leur lieu de vie, se sont interrogés sur leurs aspirations fortes. Ces introspections laisseront-elles des empreintes durables ou perdront-elles leur inéluctabilité ?

L’immobilier reste un ancrage fort pour les Français

 

Les Français sont attachés à la propriété immobilière et ce, malgré « le sentiment d’être encore en pleine crise » selon un sondage de l’Ifop « Les Français et l’accession à la propriété » de mars 20211 :

  • 44 % des français ont l’intention de devenir propriétaires d’au moins un bien immobilier dans les 5 prochaines années : 34 % pour leur résidence principale, 14 % pour un bien immobilier locatif, 9 % pour une résidence secondaire. Ces proportions sont quasi constantes depuis 2015 ;

 

  • 72 % des français estiment être encore en pleine crise, soit une augmentation de 7 points depuis mars 2020 et de 21 points depuis la mesure précédente en octobre 2018. Pour mémoire, le plus haut niveau atteint datait de janvier 2012 : 79 %.

 

Les Français sont confiants dans la valeur de l’immobilier : l’investissement immobilier est perçu comme « fiable » (71 %), « rémunérateur » (65 %), quoique élitiste (pas accessible à tous pour 91 %) selon un sondage d’Harris Interactive de février 20212.

 

Selon vous, l’investissement immobilier en France aujourd’hui est-il… ?

Répondants : total échantillon

Dans ce contexte2, 29 % déclarent avoir un projet immobilier dans les 12 mois à venir et la moitié estiment ce projet « certain », malgré un pronostic de hausse des prix (pour 1 Français sur 2).

 

Le marché de l’immobilier de logement a continué d’être stimulé en 2020 par un niveau exceptionnel des ventes dans l’ancien qui constituent les 9/10e  du marché

Après un creux en mars et avril 2020 lié au confinement, la forte résilience du marché des logements anciens a permis un rattrapage des transactions dès la levée des restrictions : en mai 2020, avec la régularisation des signatures en attente, puis en octobre 2020 par suite de la reprise des visites au printemps.

Le volume des transactions immobilières résidentielles dans l’ancien est resté élevé en 2020, avec un recul limité dans un contexte d’arrêt quasitotal du marché pendant 6 semaines : 1 024 000 transactions au 31 décembre 20203, en baisse de seulement 4 % par rapport à une année 2019 record.

La bonne reprise des transactions de logements anciens se confirme au premier trimestre 2021. Le marché s’est cependant transformé depuis la crise sanitaire avec une recherche de biens offrant davantage d’extérieurs et des profils d’acheteurs plus aisés

 

  • Le volume cumulé des ventes de logements anciens poursuit sa hausse en début d’année: 1 046 000 transactions fin février 2021, en recul de seulement 2,3 % sur un an glissant, avant la crise sanitaire3

 

  • Pour la région Île-de-France, les Notaires du Grand Paris recensent 42 160 ventes de novembre 2020 à janvier 2021 (+ 1 % en année glissante), avec un dynamisme des transactions sur 3 mois de novembre 2020 à janvier 2021 très supérieur à la moyenne des 10 dernières années (+18% tous biens confondus), et plus particulièrement pour les maisons : + 24 %.4

 

  • Au niveau national, Century 21 dans un communiqué d’avril 2021 constate « une incroyable vitalité (…) qui ne s’est pas démentie au 1er trimestre 2021 »5. Le réseau observe aussi une hausse plus importante des transactions pour les maisons en province : + 18,2 % au niveau national contre + 10,7 % en Île-de-France

Le regain d’attractivité des maisons de province est lié aux réflexions issues des confinements : la part croissante du télétravail et la mise à l’arrêt des animations citadines (bars, restaurants, musées, cinémas…) a réduit l’attrait des grandes villes. La hausse des prix, à + 6,4 % sur le 4e trimestre 2020 pour les logements anciens au niveau national par rapport à la même période en 20193, a poussé à l’éloignement les ménages qui en avaient la possibilité.

Les Notaires du Grand Paris4 parlent de « désir nouveau d’espace et de verdure des Franciliens », et Century 215, de redéfinition du « bien vivre ».

Le baromètre épargne et placements du Groupe BPCE fin 2020 6, a mesuré cette évolution des critères de choix de l’habitat depuis l’émergence de la crise. Les Français donnent encore plus d’importance à la qualité des services d’habitat, et de façon encore plus marquée pour les habitants des villes de 100.000 habitants et plus, à savoir parmi eux :

  • 45 % considèrent que la présence d’un espace extérieur est plus importante
  • 36 % attachent encore plus d’importance au confort et à la qualité du logement
  • 38 % à la qualité de l’environnement et du cadre de vie
  • 28 % privilégieraient aujourd’hui une maison plutôt qu’un appartement

 

Cette perspective de déménagement loin de l’hyper-urbain n’a cependant concerné qu’une part restreinte de la population en 2020 :

  • Les personnes qui pouvaient bénéficier du télétravail
  • Et/ou les personnes qui n’étaient pas rattrapées par la crise économique

Selon une étude Opinionway pour Artémis courtage de juin 20207, sur les 18 % des Français qui ont eu une perspective d’achat ou de mise en location d’un bien avant le confinement, 35 % ont reporté ou annulé leur projet. La proportion est plus forte pour les plus jeunes (53 % pour les moins de 25 ans) et les ménages les plus modestes (49 %).

Les recommandations du HCSF8, malgré un allègement en fin d’année, ont durci les conditions d’octroi des crédits. Les ménages les plus modestes, déjà fragilisés par la crise, peuvent difficilement accéder aux nouvelles exigences d’augmentation des apports personnels et de baisse du taux d’effort.

Désormais, la demande de crédits se déporte des primo-accédants et investisseurs dans le locatif vers les ménages plus aisés. Le report de la demande bénéficie à des biens plus qualitatifs et provoque une appréciation des prix.

Tous types de logements anciens confondus, l’indice des prix en province (+6,5 %) a devancé d’une courte tête l’indice de l’Île-de-France (+6,4 %). L’appréciation la plus forte est pour les maisons d’Île-de-France (+ 7 %)3, en corrélation avec les demandes qui se déportent vers les périphéries des grandes villes : la part des ventes est en croissance dans la Grande Couronne (46 % en 2020 contre 43 % en 2018)9.

 

Le marché du neuf, à l’inverse du marché de l’ancien, a poursuivi sa baisse en 2020, accentuée par l’arrêt quasitotal des chantiers pendant 6 semaines

Le marché de l’immobilier de logement neuf est marqué par une tendance baissière depuis 2018, sous la pression du resserrement des aides de l’Etat et le durcissement des conditions d’octroi des prêts. Cette baisse s’est poursuivie en 2020, augmentée des effets combinés du ralentissement traditionnel lié aux élections municipales, de la forte percée des écologistes dans plusieurs grandes villes et de l’arrêt brusque des chantiers en mars.

L’activité a rebondi dès la sortie du confinement en mai 2020 avec une progression continue des réservations10 et des logements autorisés11 sans toutefois parvenir à rattraper le retard. Le mode dégradé imposé par les mesures sanitaires et les difficultés d’approvisionnement en matières premières n’ont pas permis de reconstituer les stocks.

Les réservations de logements et les permis de construire ont nettement reculé  sur l’année 2020 :

  • 99 515 réservations de logements neufs10 en 2020, soit – 24,1 % par rapport à 2019 ;
  • 381 600 logements autorisés11, soit – 14,7 % ; une baisse qui peut freiner la reprise puisque le niveau des permis de construire conditionne les ventes futures.

 

Le défi pour 2021 pour le marché du logement neuf est de reconstituer son offre à un rythme satisfaisant dans un contexte de regain de la demande

Le niveau des réservations de logements neufs12 au 1er trimestre 2021 progresse pour le troisième trimestre consécutif, et pour la première fois, il dépasse son niveau d’avant confinement.

Comme pour le marché de l’ancien, la demande rebondit en fin de confinement, notamment pour des biens offrant plus d’espace, plutôt à l’écart des grandes villes et pour des biens plus qualitatifs :

  • 30 500 réservations de logements neufs au 1er trimestre 2021, soit + 16,2 % par rapport au 1er trimestre 2020. Comme pour le marché du logement ancien, la hausse est plus forte pour les maisons individuelles (+ 17,4 %) que pour les appartements (+ 16,1 %). Les mises en vente des maisons individuelles reculent sur la même période ;
  • La hausse des réservations d’appartements concerne toutes les tailles d’appartements à l’exception des studios (- 0,4%) ;
  • L’augmentation des réservations est moins forte dans les grandes villes dont Paris et l’Île-de-France (+ 2,4 % pour les zones A/Abis et B1) et au contraire très supérieure en zone B2 (+ 68,1 % avec les autres communes de plus de 50 000 habitants) ;
  • Sur la période, l’augmentation des ventes de maisons individuelles de haut standing en région Auvergne-Rhône-Alpes et la part croissante des réservations de maisons de plus de quatre pièces a provoqué une forte hausse du prix moyen des maisons individuelles.

 

Face à cette demande, les stocks de logements neufs s’amenuisent12 :  – 11,4 % à 90 643 biens commercialisés au 1er trimestre 2021 contre 102 316 au 1er trimestre 2020. Le risque à terme est une raréfaction des biens recherchés qui conduirait à une appréciation des prix et à une distorsion inhérente du marché, voire à un détournement de certains acheteurs.

 

 La promotion immobilière peine à redémarrer, tant du côté des logements individuels  que des locaux du tertiaire, en corrélation directe avec les changements dans les modes de travail

Le constat 2020 est sévère pour la promotion immobilière : difficultés à reconstituer son offre pour le marché du logement aux particuliers, forte baisse des autorisations de construction des locaux non résidentiels (-19,2 % fin 2020 par rapport à l’année 2019) à 34 millions de m2 autorisés14, baisse des surfaces de locaux commencés (-16,3 % fin 2020 par rapport à 2019) à 23,8 millions de m214. La reconstitution des stocks est le point d’attention pour assurer la reprise dans de bonnes conditions.

Le 1er trimestre 2021 montre des signes de reprise…

… plutôt sur la demande du côté du marché du logement neuf12 :

  • 30 500 réservations de logements neufs au 1er trimestre 2021, soit +16,2 % par rapport au 1er trimestre 2020.

 

… à la fois sur les autorisations et sur les mises en chantier pour le marché des locaux non résidentiels14. Il s’agit d’un ralentissement des baisses observées en 2020 :

  • 8,1 millions de m2 d’autorisations à la construction de locaux non résidentiels au 1er trimestre 2021, soit – 2,2 % par rapport au 1er trimestre 2020. La baisse est moindre par rapport au recul observé sur 1 an entre février 2021 et février 2020: – 21,5 %.
  • 5,7 millions de m2 de mises en chantiers de locaux non résidentiels, soit un recul de – 7,1 % par rapport à la même période un an plus tôt ; comme pour les autorisations à la construction, il s’agit d’une baisse moindre que celle observée entre février 2020 et février 2021 (-19,5 %).

 

Avant d’acter qu’il s’agit d’une amélioration, il faudra consolider les chiffres des prochains mois puisque le 1er trimestre inclut le mois de mars qui était un mois d’arrêt total en 2020.

Dans la lignée de cette éclaircie : le moral des entrepreneurs de travaux publics repart à la hausse et se situe dans la moyenne des scores de longue période, selon l’enquête trimestrielle de l’Insee fin avril 2021.16

Les entrepreneurs de travaux publics sont ainsi plus optimistes en avril 2021 qu’ils ne l’étaient en janvier :

  • Fin mars 2021, comparativement au 1er mois de l’année,, ils sont plus nombreux à envisager une augmentation de leur activité : + 9 points d’opinions positives sur leur activité prévue pour les 3 prochains mois, soit un solde entre le pourcentage des opinions en hausse et le pourcentage des opinions en baisse (-10), qui repasse au-dessus de la moyenne de longue période (-12)
  • + 11 points sur leur estimation d’un carnet de commandes mieux garni, soit un solde (-22) au-dessus de la moyenne longue période (-24)
  • Leurs perspectives d’emploi s’améliorent (solde de 6), par rapport à janvier 2021, et à la moyenne longue période (-13), mais loin de janvier 2020 (18).

Le secteur doit s’attendre à des changements structurels, en lien notamment avec les nouvelles habitudes de travail. Selon les analystes Immostat17 qui commentent les résultats de la région parisienne, les mauvais résultats de l’immobilier de bureau étaient anticipés dès juillet 2020 et ils ne s’attendent pas à un retour à la normale en 2021.

  • – 45 % de variation annuelle en 2020 pour la demande placée de bureaux, soit 1,321 millions de m2 de bureaux loués ;
  • Hausse de plus d’un tiers des locaux vacants à 6,8 % ;
  • A titre d’exemple : ENGIE a réduit les mensurations de son futur siège mondial de La Garenne-Colombes (Hauts-de-Seine) de 6 à 4 bâtiments: « un redimensionnement lié aux évolutions des modes de travail » a expliqué ENGIE à l’AFP en décembre 2020.

 

 

Pour en savoir plus, consultez les analyses de BPCEL’Observatoire :

  • Conjoncture Logement – Sur la corde raide, par Isabelle Friquet-Lepage – Flash n° 336 Avril 2021  - PDF (1 Mo)
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  • Le crédit à l’habitat Bilan 2020 et Perspectives 2021, par Bertrand Cartier et Alain Tourdjman – Flash n° 334 Mars 2021  - PDF (1 Mo)
    Télécharger

Références

1Sondage IFOP (Institut Français d’Opinion Publique) « Les Français et l’accession à la propriété » pour CAFPI du 9 au 16 mars 2021. Questionnaire auto-administré par internet (CAWI, Computer-Assisted Web Interviewing) auprès de 1503 personnes représentatives de la population française âgée de 25 à 65 ans.

2Sondage Harris Interactive « Les Français et l’immobilier » pour l’agence immobilière en ligne IMOP du 16 au 18 février 2021. Questionnaire autoadministré par internet (CAWI, Computer-Assisted Web Interviewing) auprès de 1063 personnes représentatives de la population française âgée de 18 ans et plus.

3Chambre des notaires- Note de conjoncture immobilière – N° 51 – Avril 2021

4Notaires du Grand Paris, communiqué de presse mensuel du 25 mars 2021 « Conjoncture immobilière francilienne en janvier 2021 : l’activité se maintient à haut niveau avec des prix en voie de stabilisation »

5Communiqué de presse Century 21 par Christel Villedieu, publié le 6 avril 2021 – Immobilier ancien : revanche des villes moyennes et réajustement parisien

6Baromètre épargne et placements du Groupe BPCE fin 2020 cité lors de la Conférence de presse BPCE du 22 décembre 2020 « L’immobilier résidentiel en France – Conjoncture et perspectives du marché à horizon 2022 », et cité par le Flash Conjoncture Logement d’I. Friquet-lepage en février 2021.

7Sondage Opinionway pour Artémis courtage « Les Français et l’immobilier après le confinement » du 10 au 11 juin 2020. Questionnaire autoadministré par internet (CAWI, Computer-Assisted Web Interviewing) auprès de 1056 personnes représentatives de la population française âgée de 18 ans et plus.

8CSF : le Haut Conseil de Stabilité Financière est l’autorité macroprudentielle française chargée d’exercer la surveillance du système financier dans son ensemble. Le 20 décembre 2019, le HCSF a émis une recommandation aux établissements de crédits et relative aux conditions d’octroi de crédit immobilier résidentiel. Cette recommandation a été ajustée le 27 janvier 2021.

9Notaires du Grand Paris, publications trimestrielles / marché immobilier francilien

10ECLN (Enquête sur la commercialisation des logements neufs, une enquête réalisée par le service des données et études statistiques (SDES) du ministère de la Transition écologique dans sa version nationale depuis 1995), Statinfo n° 339 – commercialisation des logements neufs T4 2020

11ECLN, Statinfo n° 336 – construction de logements neufs T4 2020

12ECLN, Statinfo n° 367 – commercialisation des logements neufs à fin mars 2021

13ECLN, Statinfo n° 359 – construction de logements à fin mars 2021

14ECLN, Statinfo n° 335 – construction de locaux à fin décembre 2020

15ECLN, Statinfo n° 358 – construction de locaux à fin mars 2021

16Insee (Institut national de la statistique et des études économiques) – IR (Informations Rapides) n° 109 du 27 avril 2021. Moyenne de longue période = moyenne depuis janvier 1981.

17Le Moniteur du 8 janvier 2021 « Immobilier de bureau : pas de retour à la normale en 2021 » : commentaire des résultats Immostat 2020. Immostat : groupement d’intérêt économique réunissant les quatre principaux conseils en immobilier d’entreprise (BNP Paribas Real Estate, CBRE, JLL et Cushman & Wakefield)