Rénovation énergétique : les règles de vote des travaux pourraient changer dans les copropriétés

Le contexte économique morose et la crise de l’énergie n’incitent pas les copropriétaires à décider de coûteux travaux de rénovation – y compris énergétiques – dans leurs immeubles. Le gouvernement réfléchit à changer les règles du vote en assemblée générale afin d’accélérer le mouvement.

Le gouvernement est décidé à faire évoluer les processus. Mais cela permettra-t-il vraiment de donner un coup d’accélérateur aux chantiers dans les copropriétés ? « Avec le garde des Sceaux, nous avons commencé à regarder comment simplifier les règles du vote des travaux de rénovation énergétique » dans l’habitat collectif, a indiqué le ministre délégué à la Ville et au Logement Olivier Klein, ce mardi, sur France Info. Il s’agirait notamment de modifier les règles de la majorité nécessaire pour que les travaux soient votés en assemblée générale – de deux tiers aujourd’hui pour certains types de chantiers, à 50 %.

« Climat anxiogène »

Mais pour le moment, « nous sommes dans une période de blocage », témoigne Eudes Baufreton, le directeur général de l’Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI). « C’est tendu du fait de problèmes de trésorerie et des questions de pouvoir d’achat des ménages », explique aussi Danielle Dubrac, la présidente du syndicat immobilier Unis. « Nous sommes un peu plantés par le climat anxiogène lié à la guerre en Ukraine et par la crise énergétique qui a commencé dès fin 2021 », ajoute-t-elle.

Il a déjà fallu revaloriser en 2022 les charges d’énergie par rapport à ce qui avait été prévu l’année précédente. Et pour 2023, les budgets risquent à nouveau d’être plombés par les hausses de charges – malgré le bouclier tarifaire mis en place par le gouvernement, qui permet de limiter les dégâts. « Face à cela, les copropriétaires votent les travaux d’urgence, les travaux curatifs, mais pas forcément les travaux de rénovation énergétique », poursuit-elle.

La pression est pourtant là, en tout cas pour les propriétaires bailleurs. La loi climat et résilience impose un certain nombre de contraintes afin d’inciter à la rénovation énergétique des logements. Depuis le 25 août, il est déjà interdit d’augmenter le loyer à la relocation d’un bien immobilier étiqueté F ou G au titre du diagnostic de performance énergétique (DPE) ou de le réviser en cours de bail. Et dès le 1er janvier prochain, les premières interdictions de louer tomberont pour les pires passoires thermiques – soit environ 140.000 logements en France, selon l’exécutif. Pour le côté incitatif, les copropriétés peuvent bénéficier du dispositif d’aide gouvernemental MaPrimeRénov’.

« Pas de précipitation »

Mais les syndics n’observent aucune accélération dans le vote des travaux, qu’ils concernent d’ailleurs ou non la rénovation énergétique. Au contraire. « Les copropriétaires savent qu’il y a un sujet mais ils ne se précipitent pas dessus », indique Gilles Frémont, le président de l’Association nationale des gestionnaires de copropriété, qui évoque le « mur de l’argent ».

« Certains sont dans le déni. D’autres se disent que de toute façon, le calendrier n’est pas tenable et que les interdictions seront reportées », ajoute-t-il. Bien qu’Olivier Klein répète régulièrement le contraire. « Il faut tenir ce calendrier. C’est une obligation pour ceux qui habitent dans les passoires thermiques et c’est une obligation pour la planète », a-t-il encore indiqué ce mardi.

« On a beau dire que des travaux de rénovation énergétique permettraient de faire baisser durablement les charges d’énergie, ça ne passe pas », complète la présidente de l’Unis, qui se félicite du possible changement de règles du jeu évoqué par le ministre. « Si ça se fait, ce sera une bonne nouvelle », estime-t-elle.

Plan pluriannuel de travaux

La loi climat et résilience a bien introduit l’obligation pour les copropriétés d’adopter un plan pluriannuel de travaux, qui fixe les travaux à réaliser pour les dix prochaines années. Ceci dès 2023 pour les copropriétés de 200 lots. Cela doit permettre aux copropriétaires de mieux prendre conscience de l’ampleur de la tâche et de mieux étaler leurs dépenses. Mais la loi ne fixe aucune obligation quant au vote des travaux listés et de leur échéancier.

Sur le volet du financement, le ministre a aussi assuré ce mardi travailler avec les banques pour que les copropriétés puissent bénéficier d’un éco-prêt à taux zéro afin de financer le reste à charge des travaux de rénovation énergétique, une fois retranché le montant des aides.

Là encore, l’Unis – qui plaide de longue date pour des emprunts collectifs pour financer les travaux – applaudit. Mais « attend de voir ». Car elle en est consciente, cela cause des difficultés si l’un des copropriétaires fait défaut.

Tensions dans certaines AG

En attendant, des tensions se font déjà sentir dans certaines assemblées générales de copropriété, témoignent les professionnels du secteur, entre les propriétaires bailleurs contraints par la nouvelle réglementation et les propriétaires occupants qui ne le sont pas.

Un propriétaire bailleur qui a effectué tous les travaux possibles chez lui mais dont le logement reste mal étiqueté au titre du DPE – parce que la copropriété a refusé de voter une isolation de la façade ou de la toiture -, pourrait être tenté à l’avenir de demander une indemnité aux autres copropriétaires s’il se trouve dans l’impossibilité de louer son appartement, craint Gilles Frémont.

Pour éviter que les AG de copropriété ne tournent à la foire d’empoigne, l’UNPI demande une « exception de copropriété ». « L’interdiction de louer un appartement ne s’appliquerait pas si la copropriété a refusé de voter les travaux », explique Eudes Baufreton. Mais cela serait sans doute peu incitatif pour engager des rénovations.

 

Par Elsa Dicharry – Les Echos – Publié le 29 nov. 2022 à 13:30 – Mis à jour le 29 nov. 2022 à 19:50

 

Pour aller plus loin : https://immobilier-les-8-enjeux-du-diagnostic-de-performance-energetique/

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