Responsabilité civile professionnelle : quels risques anticiper en temps normal mais aussi dans le cadre du Covid-19 ?

Afin d’éviter que sa responsabilité ne soit engagée, l’agent immobilier se doit d’anticiper les situations à risques. Une attitude d’autant plus importante à adopter que la crise du Covid-19 est une source potentielle de risques supplémentaires.

Agents immobiliers : une responsabilité civile professionnelle large

La responsabilité de l’agent immobilier est un sujet aussi vaste que sensible. Comme l’explique Bertrand Laronze, avocat à Nantes et associé du cabinet Cornet Vincent Ségurel : “Il doit à chaque fois non seulement respecter les termes du mandat qui limite sa responsabilité, mais il lui faut aussi assumer les obligations qui lui incombent, toujours plus nombreuses, notamment d’information, de transparence, d’affichage des prix. Enfin, il se doit d’honorer son devoir de conseil. Pout tout cela, il est tenu à une obligation de moyens, sauf pour la rédaction d’acte où il s’agit alors d’une obligation de résultat”. Et sa consœur Maïwenn Planchais de préciser que cela concerne ses clients, mais aussi les tiers comme les acquéreurs ou les locataires. A défaut ?  “Il s’expose à ce que sa responsabilité soit engagée, même s’il intervient à titre gratuit, avec potentiellement de lourdes conséquences financières, judiciaires et de réputation.” soulignent les deux avocats.

Les causes les plus fréquentes pourraient être souvent évitées

Les litiges arrivant devant les tribunaux donnent de précieuses indications sur ce qu’il faut surveiller. On citera notamment l’absence de vérification de la solvabilité d’un acquéreur ; le défaut d’information concernant un bien ou de vérification de son état hypothécaire ; les manquements au devoir de conseil. Bertrand Laronze précise : “Dans un certain nombre de cas, les contrôles de leurs actes par les agents immobiliers sont encore trop souvent faits a minima.”. Une situation qui peut être évitée par la sélection d’une formation continue de qualité (formation d’ailleurs obligatoire pour les agents immobiliers), permettant de bien articuler obligations légales et pratique professionnelle.

La crise Covid-19 : une source potentielle de risques supplémentaires

La crise Covid-19 n’a pas épargné les agents immobiliers. Elle les a même placés dans une situation délicate. En effet, des ordonnances ont été adoptées dans l’urgence pour faire face à la crise, prévoyant notamment des suspensions ou prorogations d’un certain nombre de délais légaux. “Or, la plupart des délais que peuvent rencontrer les agents immobiliers ne sont pas concernés.” pose Bertrand Laronze.

Les agents se sont donc trouvés dans une situation paradoxale, avec des délais qui ont continué à courir alors même que leur exercice professionnel était considérablement empêché par le confinement. Selon Maïwenn Planchais, probablement va-t-on donc “voir apparaître des situations problématiques où la difficulté sera de savoir si la responsabilité de l’agent immobilier peut être engagée, ou si l’on pourra invoquer la force majeure par exemple.” Et, comme nous n’avons pour l’instant aucun recul sur les impacts de cette situation inédite, lesquelles seront soumises aux décisions des juges, l’aléa est important. D’où l’intérêt d’adopter des bonnes pratiques pour avoir une longueur d’avance et limiter les risques.

Stéphane Grandchamp, Directeur du Pôle immobilier de Verlingue, partenaire privilégié de CEGC en assurance RCP, illustre ces potentielles mises en cause directement liées à la crise Covid-19 tant en matière de transaction qu’en matière de gestion :

« Il pourra être reproché aux transactionnaires un manque de suivi dans la communication des documents nécessaires à la signature du compromis ou de l’acte authentique. Leur responsabilité pourrait également être recherchée dans le cadre d’un contrôle défaillant des acquéreurs et de leurs demandes de prêts pour la levée des conditions suspensives. Nous pouvons également augurer comme faute, le retard dans la transmission de documents au notaire en charge de la vente.

Ceci étant, compte tenu du contexte sanitaire, les réclamations pourront être discutées dans la mesure où nos clients ne sont tenus que d’une obligation de moyens (à l’exception de la rédaction d’acte).

En matière de gestion, nous pouvons prévoir des mises en cause pour des sinistres gérés trop tardivement (ex : dégâts des eaux non déclarés ou retard pour appeler une société de réparations…) ou non constatés. L’appréciation d’une durée de vacance de bien anormalement longue pourrait également susciter le reproche d’un manque de diligence du professionnel. Enfin, les procédures en recouvrement de loyers peuvent aussi constituer une source de réclamations pour avoir également été enclenchées avec retard ».

Les bonnes pratiques pour limiter la prise de risques par temps de crise

Délais pour l’obtention de prêt, pour la réitération des ventes par acte authentique, délais relatifs à la validité des diagnostics, formalités administratives liées aux permis de construire, purge du droit de rétractation… N’ayant pas été suspendus, ces délais peuvent faire courir des risques aux agents immobiliers.” explique l’avocat, Bertrand Laronze. Les agents immobiliers ont donc tout intérêt à passer en revue, avec les différentes parties, tous leurs dossiers impactés, pour se protéger. Comment ? “En faisant des avenants pour proroger les délais, en expliquant les situations, en proposant des solutions quand il y en a” suggère l’avocat qui explique que cela leur permettra, le cas échéant, d’apporter les preuves que tout a été mis en œuvre pour assumer leurs responsabilités.

Enfin, si le confinement est passé, les mesures de distanciation physique sont toujours en vigueur. Sur ce terrain aussi, la responsabilité civile professionnelle de l’agent immobilier peut être engagée s’il n’a pas correctement évalué les risques et pris les mesures de protection nécessaires pour ses salariés, clients et tiers avec lesquels il est en contact. Se doter de procédures et les respecter, mais aussi les communiquer à chacun avec des documents adaptés : autant de mesures permettant encore de limiter l’exposition de sa responsabilité professionnelle.