Immobilier : les 8 enjeux du diagnostic de performance énergétique

La loi climat et résilience a renforcé la portée juridique du diagnostic de performance énergétique (DPE). Le DPE est devenu le principal outil de lutte contre les passoires thermiques. Sa fiabilité continue pourtant de faire débat. Quel est le calendrier de la réforme ? Jusqu’où peut aller la décote de biens mal notés ? Décryptage d’un dispositif désormais crucial pour les propriétaires.

C’est un passage obligatoire en cas de vente, de location et lors de la construction d’un logement. Depuis 2006, le propriétaire doit faire établir un diagnostic de performance énergétique, plus communément appelé DPE. Ce document sert à estimer la consommation d’énergie et le taux d’émission de gaz à effet de serre de l’habitation. Il a vocation à renseigner le futur acquéreur ou le locataire en classant le logement sur une échelle allant de A (économe) à G (énergivore).

Le DPE est aussi devenu l’outil central de la politique publique de rénovation énergétique du parc immobilier. Cette démarche prend encore plus de sens dans le contexte actuel de flambée des prix du gaz et de l’électricité, alors que l’ère de sobriété énergétique a été décrétée.

Mais le DPE reste sous le feu des critiques. Le thermomètre est toujours accusé de ne pas être suffisamment fiable. Il pousserait même de nombreux bailleurs et propriétaires de biens, trop énergivores, à vendre leur logement, du moins à l’envisager, faute de moyens financiers ou rebutés par l’ampleur des travaux nécessaires pour la mise aux normes.

« Le DPE pose un problème majeur. Il a en quelque sorte un droit de vie ou de mort sur un logement », lance sans détour Cyril Sabatié, avocat spécialiste en droit immobilier et ancien directeur juridique de la FNAIM. Cette pique fait référence aux nombreuses mesures coercitives, notamment les interdictions de location, ou d’augmentation des loyers qui ont été adossées au diagnostic de performance énergétique.

 

1. Qui est concerné par le DPE ?

Le DPE doit être tenu à la disposition de tout candidat acquéreur dès la mise en vente du bien ou en vue d’une location (sauf pour les biens loués moins de quatre mois par an). Le diagnostic doit aussi être mentionné, de façon claire et lisible, dans toute annonce immobilière, que l’on passe par l’intermédiaire d’une agence ou en direct.
En cas d’omission, le vendeur s’expose à une amende pouvant aller jusqu’à 3.000 euros en cas de transaction entre particuliers, tandis que l’agence immobilière peut être condamnée à payer jusqu’à 15.000 euros.

 

2. Quelle est sa portée juridique ?

Depuis le 1er juillet 2021, conformément à la loi Elan de 2018, la donne a changé. Jusqu’à présent, le DPE était certes obligatoire, mais il était seulement informatif. Ce document est désormais opposable. Cela signifie qu’en cas d’erreur sur le diagnostic la responsabilité contractuelle du vendeur ou du bailleur peut être engagée.
Le DPE a dorénavant la même portée juridique que les autres diagnostics immobiliers (plomb, électricité, amiante) compris dans le dossier de diagnostic technique (DDT).
Les recommandations de travaux formulées dans le DPE (changement des vitres, chaudière, isolation, etc.) et l’estimation du budget pour atteindre une classe énergétique plus performante conservent en revanche une valeur seulement indicative.

 

3. Quel est le coût du diagnostic ?

Le DPE doit être réalisé aux frais du vendeur, par un diagnostiqueur certifié. On compte quelque 8.000 professionnels habilités et répertoriés dans un annuaire officiel des diagnostiqueurs certifiés accessible en ligne. Leurs tarifs ne sont pas réglementés. Le prix dépend notamment de l’année de construction et de la taille du logement.

Selon l’Agence de la transition écologique (Ademe), le DPE est généralement facturé entre 100 euros et 250 euros. « Cette fourchette de prix s’applique pour la réalisation d’un DPE seul. Lorsque le DPE est inclus dans le dossier technique de diagnostic (amiante, plomb, termites, gaz électricité, etc.) les montants évoluent entre 350 euros et plus de 800 euros, selon le type de bien, la surface et la localisation géographique », explique Lionel Janot, président de la Fédération interprofessionnelle du diagnostic immobilier (Fidi).

 

4. Combien y a-t-il de passoires thermiques ?

La loi climat et résilience d’août 2021 a fixé l’objectif ambitieux d’éradiquer d’ici à 2028 les passoires thermiques, étiquetées F et G. La précarité énergétique est un fléau. Sur les 30 millions de résidences principales en France au 1er janvier 2022 environ 5,2 millions de logements, soit 17 % du parc, seraient des passoires énergétiques, rappelle un rapport de l’Observatoire national de la rénovation énergétique publié en juillet.
Cette part est encore plus élevée dans le reste du parc immobilier occupé (32 %, soit 1,2 million de logements) et dans les logements vacants (27 %, soit 800.000 logements). Ce qui porte, au total, à 7,2 millions l’estimation du nombre de passoires thermiques en France.

 

5. Quel est le calendrier de la réforme ?

Depuis août 2022, le propriétaire d’un bien étiqueté F ou G ne peut plus augmenter son loyer à la relocation ni le réviser en cours de bail. Pour inciter les propriétaires à rendre leur habitat plus vertueux, les contraintes vont aller crescendo.
Dès le 1er janvier 2023, les pires passoires thermiques seront interdites à la location. Seule une partie des logements classés G seront visés (ceux consommant plus de 450 kWh d’énergie, par mètre carré et par an). Viendront ensuite l’ensemble des logements classés G à compter de 2025 ; tous les F dès 2028 ; et enfin les catégories E à partir de 2034.

Les professionnels de l’immobilier ne cessent d’alerter sur le fait que les travaux ne pourront pas être réalisés dans les temps.
« Dans la plupart des cas, ce sont des bailleurs individuels qui sont concernés. Il s’agit bien souvent de personnes qui ont besoin de compléments de ressources, et qui n’ont généralement pas les moyens de réaliser de gros travaux », indique Stéphane Imowicz, président d’Ikory. Dans une étude récente, cette société de conseils en immobilier résidentiel a estimé le coût des travaux nécessaires pour sortir de la classe F et G à environ 30.000 euros à 40.000 euros en moyenne. Le blocage peut aussi venir de la copropriété lorsque son feu vert est nécessaire.

Olivier Klein, le nouveau ministre délégué chargé de la Ville et du Logement, s’est déjà prononcé contre un report de l’interdiction de mise en location des passoires thermiques. Il s’est en revanche montré plus souple à propos de l’obligation de réaliser un audit énergétique (plus poussé et plus détaillé que le DPE) avant la mise en vente de maisons ou d’immeubles classés F et G. L’échéance a été à nouveau repoussée, au 1er avril 2023 au lieu du 1er septembre 2022.

 

6. Le nouveau DPE est-il fiable ?

Pour établir le DPE, c’est la méthode de calcul dite « 3CL » qui s’applique depuis le 1er juillet 2021. Le diagnostiqueur ne peut plus se baser sur les factures d’énergie. « Cela pouvait fausser les résultats, lorsque le logement était vacant par exemple. Une grille de critères plus objectifs a été adoptée. Elle prend désormais en compte les caractéristiques physiques du logement (bâti, qualité d’isolation, etc.) », détaille Roselyne Conan, directrice générale de l’Agence nationale pour l’information sur le logement (Anil).

Le DPE continue néanmoins de faire débat. Après avoir constaté une explosion du nombre de passoires thermiques, le gouvernement avait dû revoir en urgence la nouvelle formule de calcul par arrêté ministériel du 8 octobre 2021. Mais plusieurs associations de consommateurs continuent de dénoncer son manque de fiabilité. Dans une étude récente, l’UFC-Que Choisir a mis en lumière « un flot d’erreurs pénalisantes », pointant notamment l’attribution d’étiquettes différentes pour un même bien selon le diagnostiqueur convoqué.

Les représentants des diagnostiqueurs immobiliers et le ministère du Logement travaillent à des pistes pour fiabiliser l’étiquette énergétique. « Les premières mesures concrètes aboutiront avant la fin de l’année », explique Lionel Janot à la Fidi.

Pour éviter les mauvaises surprises, il recommande aux propriétaires de bien préparer leur dossier. « Trop souvent, ils reviennent vers nous une fois le DPE réalisé après avoir découvert le résultat. Certes, il est possible d’accepter de nouvelles pièces mais cela nécessite un retraitement du dossier et une nouvelle simulation qui entraînera un surcoût », avertit le professionnel. Le jour J, mieux vaut donc avoir à disposition les factures en lien avec des travaux récents réalisés (fenêtre, isolation, chaudière, etc.).

 

7. Faut-il craindre un assèchement du parc locatif ?

Hausse de la taxe foncière, encadrement des loyers et bientôt interdiction de louer les passoires thermiques : le spectre d’une pénurie de location plane sur le marché immobilier. « Nous avons encore du mal à apprécier les conséquences de la future interdiction à la location des passoires thermiques. Il y a beaucoup d’attentisme en raison de la conjoncture économique et de l’accès plus difficile au crédit. Mais il y a un risque d’assèchement du marché locatif », estime Stéphane Imowicz chez Ikory.

D’autres signaux plaident en ce sens. « De nombreux bailleurs nous contactent en ce moment pour savoir comment ils peuvent donner congé à leurs locataires. Nous notons aussi une augmentation de demandes d’information venant de locataires car ils ont reçu congé de la part de leur propriétaire. On peut s’attendre à ce qu’il y ait une hausse de biens F et G à vendre sur le marché », juge Roselyne Conan à l’Anil. Selon une étude de l’Insee, sans travaux de rénovation énergétique, près d’un logement francilien sur deux sera bientôt interdit à la location.

 

8. Décote : une opportunité d’investissement ?

L’arrivée de passoires thermiques sur le marché constitue-t-elle pour autant une occasion pour les acheteurs ? Pour Stéphane Imowicz, dans les zones tendues, notamment à Paris, le contexte de pénurie devrait limiter le montant de la décote pour les biens mal notés. C’est avant tout le critère de la localisation qui prime pour la fixation du prix de vente.
« Il y aura cependant parfois une possibilité de négocier une ristourne au titre du budget travaux », ajoute-t-il. Dans tous les cas, avant d’investir dans une passoire thermique évaluez bien l’enveloppe des travaux de rénovation.
Selon Stéphane Imowicz, il faut en revanche s’attendre à des décotes plus importantes, de l’ordre de 15 % à 25 %, pour des logements situés dans les zones les moins recherchées, notamment pour des maisons où de coûteux travaux de toiture ou de chauffage sont à prévoir. Ce sont les propriétaires de biens à faible valeur qui seront le plus pénalisés.

Vers une interdiction des passoires thermiques sur Airbnb

C’est une faille dans le dispositif qui faisait grincer des dents les professionnels du secteur immobilier. L’interdiction de location des biens notés F et G à partir du 1er janvier 2023 ne devait a priori pas s’appliquer aux locations touristiques. Mais le ministre délégué au logement Olivier Klein a fait une mise au point remarquée en indiquant qu’il souhaitait empêcher les propriétaires de logements les plus énergivores de les louer sur Airbnb.

«Il est hors de question que les propriétaires se réfugient dans le meublé touristique » a-t-il déclaré sur BFM Business le 25 octobre. Et d’ajouter : «Il faut qu’on travaille pour ce soit les mêmes règles», assurant que le gouvernement « se donnera les moyens de mettre tous les garde-fous nécessaires».
L’effet pervers était pointé par le secteur immobilier depuis plusieurs mois. Pour échapper aux travaux, certains propriétaires pourraient être tentés de trouver refuge dans la location de courte durée en se tournant vers les plateformes collaboratives. De quoi renforcer aussi les tensions sur le parc locatif privé.

« Il y a une incohérence à ne pas viser les résidences secondaires en cas de location de courte durée. Cela va favoriser le développement de la location saisonnière plutôt que la rénovation énergétique du parc locatif », regrettait récemment Cyril Sabatié, avocat spécialiste en droit immobilier et ancien directeur juridique de la FNAIM. Des arguments qui semblent avoir été entendus au plus haut niveau de l’Etat.

 

Par Anne-Sophie Vion – Les Echos – Publié le 8 nov. 2022 à 10:17 – Mis à jour le 8 nov. 2022 à 10:30

 

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